Nécessité d’une action fédérale rapide pour combler le fossé numérique du secteur agroalimentaire

Les changements auxquels la société canadienne est confrontée en cette période historique ne peuvent être sous-estimés. La pandémie de COVID-19 a imposé l’adoption généralisée de la technologie pour maintenir notre économie en mouvement et a accru la reconnaissance des Canadiens envers les secteurs, les services et les travailleurs jugés essentiels. Mais si la plupart des habitants de notre pays ont compté de plus en plus sur la technologie pour rester connectés, une interconnexion fiable à haute vitesse n’est pas accessible à tous, même dans un secteur essentiel comme l’agriculture. Les gouvernements et leurs partenaires du secteur privé doivent agir rapidement pour combler ce fossé numérique, afin que le secteur agroalimentaire puisse tirer parti des technologies existantes pour gérer les risques, optimiser ses activités, échanger des données agricoles importantes et continuer à assurer l’approvisionnement alimentaire du Canada.

Le secteur agroalimentaire est habitué à gérer les risques et à faire face à des difficultés inattendues. La fermeture des frontières, le manque de travailleurs essentiels et l’évolution des habitudes de consommation pendant la COVID ont exercé une forte pression sur les producteurs agricoles. Malgré tout, le secteur a uni ses efforts de façon louable pour fournir des aliments sains aux Canadiens durant la pandémie. Les exportations ont également fait preuve de résilience, affichant une performance nettement supérieure à celle de la plupart des secteurs de l’économie. De plus, la confiance du public dans le système alimentaire a augmenté. Les agriculteurs prennent régulièrement des décisions de gestion des risques concernant le choix des cultures, les conditions météorologiques défavorables, les ravageurs, la volatilité des marchés et d’autres incertitudes liées à ces derniers. Les changements climatiques et les pandémies mondiales n’ont fait qu’allonger la liste des risques que les producteurs doivent gérer. Cela dit, nous ne pouvons continuer de nous attendre à ce qu’ils absorbent ces facteurs de stress, alors qu’il existe des moyens pratiques et plus efficaces de les soutenir.

L’agriculture de précision, définie au sens large comme la collecte et l’utilisation de données et de logiciels d’analyse à des fins agricoles, est un outil numérique essentiel dans la trousse de nombreux agriculteurs. Grâce à ces logiciels, ils peuvent mieux s’attaquer aux problèmes, comme ceux liés aux ravageurs, en déterminant les produits adéquats et en les appliquant de manière plus précise sur les zones concernées. La technologie numérique peut aider à résoudre les difficultés, à réduire les déchets, à augmenter la production et à protéger l’environnement, mais uniquement si les agriculteurs disposent d’un accès fiable à Internet.

Les outils fournissant des données de précision sont également utiles au-delà du cycle de production. Ils peuvent servir à mieux relier l’ensemble de la chaîne de valeur et aider à faire face aux évènements perturbateurs, comme la pandémie. Ces outils ont le pouvoir de connecter les agriculteurs et les consommateurs plus facilement et de manière plus transparente que jamais. Imaginez, par exemple, que les données collectées en temps réel pendant le cycle de production puissent être analysées de façon à aider les agriculteurs à communiquer des informations aux consommateurs, afin que ceux-ci soient mieux à même de comprendre comment leurs aliments sont cultivés.

Par ailleurs, les outils numériques peuvent changer la donne lorsqu’il s’agit de recruter des talents dans tout le pays et au-delà. Ils peuvent contribuer à faire de l’agriculture un secteur attrayant pour les talents numériques et techniques dont nous aurons besoin afin de devenir une industrie de pointe. Ces outils peuvent aider les employeurs agricoles à rester en contact avec leurs talents, tout en permettant à leur personnel de travailler n’importe où, à distance. En outre, le partage des données sur la santé des sols et de l’eau, ainsi que des données sur les émissions de carbone et le climat, sera important pour aider l’industrie agricole canadienne à devenir un chef de file mondial de l’agriculture durable.

Malgré les avantages évidents, l’adoption de ces technologies a été lente au Canada, parce que la majorité des agriculteurs n’ont toujours pas d’accès fiable à Internet. Comme l’a noté la Fédération canadienne de l’agriculture : « Une proportion considérable de producteurs primaires au Canada ne jouissent pas d’un accès haut débit à Internet, alors qu’une proportion encore plus importante n’y a pas accès de façon fiable. Le manque de concurrence dans ce secteur a causé des problèmes d’abordabilité, un service inconstant, des vitesses de téléchargement/téléversement inadéquates et un manque d’investissements appropriés dans l’infrastructure Internet à large bande dans les régions rurales. »

Si le gouvernement fédéral comprend bien le déficit de connectivité, l’interdépendance entre le haut débit et les technologies d’agriculture de précision de prochaine génération ne doit pas être perdue de vue dans les discussions politiques. L’urgence de la stratégie de connectivité rurale et des investissements au niveau fédéral est étayée par le fait que l’amélioration de la connectivité ne consiste pas seulement à relier les individus entre eux, mais aussi à faciliter l’adoption de nouvelles technologies qui aideront les agriculteurs à mieux gérer les risques et à garantir notre approvisionnement alimentaire. Compte tenu des nombreux facteurs de perturbation en cours et à venir au sein de l’industrie, il est essentiel que les gouvernements et les entreprises privées du Canada agissent dès maintenant afin d’enrayer la perte de possibilités et de talents, et de positionner notre pays en tant que leader technologique mondial.

Trevor Heck est président de Syngenta Canada.
Version originale anglaise publiée dans l’édition en ligne du Hill Times du mercredi 17 mars 2021